Le système des brevets dans le secteur pharmaceutique fait souvent l’objet de critiques. La protection par brevets rend-elle vraiment les vaccins et les médicaments trop chers ?
Trois experts issus de différents milieux donnent leur avis sur le débat relatif à la propriété intellectuelle (PI).
Bruno Wattenbergh, Président de l’Innovation Board d'EY Belgique et professeur de stratégie et d'entrepreneuriat à la Solvay Business School :
L’innovation est un vecteur essentiel de croissance économique pour un pays. Car la création et la commercialisation de nouveaux produits, solutions et services, de processus inédits plus appropriés, plus efficaces et plus respectueux de l’environnement a un impact positif sur cette croissance.
Toutes les entreprises, des PME aux grands groupes, disposent de ces actifs incorporels qui, lorsqu’ils sont protégés, permettent de gagner de la crédibilité, de pérenniser l’activité, d’acquérir une puissance de marché et de créer des opportunités de collaboration.
« La Belgique ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui dans le domaine des sciences de la vie sans une protection de la propriété intellectuelle digne de ce nom. »
Dirk Fransaer, administrateur délégué de VITO, l'Institut flamand pour la Recherche Technologique, note :
Il s'agit rarement d'un brevet isolé. Prenez l'iPhone : il est couvert à lui seul par une centaine de brevets ! La demande d'attribution plus rapide de brevets pour un nouveau vaccin, par exemple, implique presque toujours une série d'autres brevets. Ce qui risque de compromettre d'autres développements ou analyses de rentabilité.
« Les brevets ne sont pas un prétexte utile aux entreprises pharmaceutiques pour encaisser de juteux bénéfices pendant des années sans être inquiétées. Seule une protection adéquate de la propriété intellectuelle garantit une industrie forte à long terme. »
Le système actuel des brevets, combiné à des médicaments de haute technologie pour certains patients, rendra-t-il notre système de santé lentement mais sûrement inabordable ?
Herman Van Eeckhout, Political Director chez pharma.be, explique :
L'opinion publique se focalise sur les brevets lorsqu'un médicament ou un vaccin est mis sur le marché. Mais pour les entreprises, le brevet est particulièrement important lorsque le nouveau médicament n'existe pas encore. Les brevets sont généralement déposés au début du processus de recherche et de développement. Ils garantissent ainsi que si le processus risqué donne des résultats, l'entreprise sera la seule à pouvoir proposer le nouveau médicament aux médecins et aux patients pendant un certain temps. Sans brevet, pas d'innovation, pas de progrès médical.
La médecine et le traitement des maladies graves évoluent vers la personnalisation et le sur-mesure. Or, la part attribuée au coût des médicaments dans l'assurance maladie n'augmente pas, bien au contraire ! Certes, il existe aujourd'hui sur le marché des médicaments particulièrement coûteux, mais ils ne sont utilisés que par un nombre limité de patients.
Dirk Fransaer ajoute :
Dans une première phase, on peut s'attendre à ce que ce médicament personnalisé soit effectivement cher, mais c'est précisément grâce à l'existence de brevets qu'il pourra être développé et que des patients atteints d'affections potentiellement mortelles pourront être guéris. Afin de mettre efficacement de tels médicaments innovants à la disposition des consommateurs, les entreprises pharmaceutiques – et, de la même manière, d'autres secteurs de haute technologie – doivent conclure de nombreux accords de collaboration avec d'autres acteurs, ne serait-ce que pour être en capacité, par la suite, d’accroître rapidement la production dans le monde entier. Le processus suppose aussi, bien sûr, d’innombrables transferts de technologie. Ces partenariats seraient tout bonnement impossibles sans les brevets.
« Sans brevets, pas d’innovation, pas de progrès médical. »
Selon vous, la protection de la propriété intellectuelle est donc dans l'intérêt de tous ?
Bruno Wattenbergh parle d'expérience :
Pour le chercheur ou l’inventeur en quête d’un investisseur, le régime de la propriété intellectuelle renforcera la position de négociation. Et chacune de nos universités et nombre de nos hautes écoles disposent de leur département de valorisation. Elles sont donc les premières bénéficiaires de cette valorisation de la propriété intellectuelle initialement financée par l’État et les Régions.
On le comprend, la Flandres, la Wallonie et la Belgique ne seraient pas ce qu’elles sont sur le plan économique et académique de nombreux secteurs sans une protection de la propriété intellectuelle digne de ce nom. Et dans une Europe à la population vieillissante, la croissance économique permise in fine par cette même protection intellectuelle contribuera à sauvegarder notre modèle social et, partant, la paix sociale. Une croissance raisonnable économiquement, socialement et écologiquement est impossible sans innovation.
Cet article est basé sur les interviews de la série Science Serving Life dans L'Echo/De Tijd de mai et novembre 2022.
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