Comment pouvons-nous garantir l'accès aux ATMP aux patients belges ?
Une augmentation significative du nombre d'ATMP est attendue. L'Agence européenne des médicaments (EMA) prévoit 10 à 20 nouvelles demandes d'ATMP par an au cours des cinq prochaines années. En 2021, il y avait 2600 essais cliniques en cours pour les ATMP dans le monde, dont la moitié pour des traitements contre le cancer.(1)
Si les ATMP offrent de nombreux avantages potentiels, elles présentent également des défis spécifiques. Les parties prenantes belges interrogées par pharma.be au cours des derniers mois ont indiqué qu'il est important de rendre les ATMP rapidement et largement disponibles pour les patients belges, mais elles ont également souligné qu'il subsiste encore souvent des incertitudes quant aux avantages cliniques de ces médicaments révolutionnaires et qu'ils peuvent exercer une pression sur le système de santé en raison de problèmes de financement spécifiques. Pour chacun de ces défis, nous avons élaboré des solutions au sein de notre organisation, en collaboration avec les entreprises pharmaceutiques innovantes.
Deux procédures pour que les ATMP arrivent plus rapidement chez les patients
Le parcours des nouveaux médicaments, du laboratoire au patient, est très long. Après des années de recherche clinique et de développement, il faut passer par une longue procédure administrative. Avant que les patients belges puissent avoir accès à un nouveau médicament, une autorisation de mise sur le marché de l'EMA et une décision de remboursement du Ministre belge des Affaires Sociales sont nécessaires. L'EMA a besoin d'un maximum de 210 jours pour décider de l'autorisation de mise sur le marché européen. La procédure nationale de remboursement qui s'ensuit peut théoriquement prendre jusqu’à 360 jours.
Parce qu'un temps d'attente aussi long est inacceptable, en particulier pour les personnes atteintes de maladies graves ou potentiellement mortelles qui n'ont pas d'autres options de traitement, nous proposons deux procédures qui permettent au gouvernement de donner aux patients en Belgique un accès plus rapide aux médicaments innovants.
Ces procédures peuvent être appliquées à tous les médicaments révolutionnaires et ne sont pas exclusives aux ATMP.
La première proposition permettra d’initier le traitement des patients maximum 17 mois plus tôt. Il s'agit d'une amélioration de la procédure Unmet Medical Need qui a été introduite en 2014 pour répondre à un "besoin médical non satisfait". L'objectif est de fournir des médicaments innovants aux patients souffrant d'une maladie potentiellement mortelle pour laquelle il n'existe pas de traitement adéquat.(2)
Cette procédure permet au gouvernement d'accorder à une entreprise pharmaceutique un soutien pour la mise à disposition de ces médicaments avant même que le médicament ne soit enregistré auprès de l'EMA, à condition bien sûr que des données suffisantes soient disponibles sur l'efficacité et la sécurité du médicament.
Étant donné que cette procédure de "Unmet Medical Need" n'a pas été très fructueuse jusqu'à présent, des améliorations sont nécessaires, comme, par exemple, une coopération plus intensive entre les administrations concernées, une évaluation plus rapide du dossier de demande et davantage de modalités pour la compensation financière de l'entreprise.
La deuxième proposition crée la possibilité de mettre des médicaments révolutionnaires à la disposition des patients en gagnant 10 mois. Elle concerne une nouvelle procédure d'accès plus rapide qui permet à l'entreprise pharmaceutique, dès l'obtention de l'autorisation de mise sur le marché européen, de demander à la Commission de Remboursement des Médicaments (CRM) belge l'autorisation de mettre le médicament à la disposition des patients. Seuls les médicaments spécifiques ayant un caractère innovant ou répondant à un besoin médical non satisfait seraient éligibles. C'est à la CRM de juger, sur base de l'évaluation scientifique de l'EMA, si le médicament est effectivement éligible à la nouvelle procédure accélérée. Dès que cela sera confirmé, le médicament sera disponible pour les patients belges. De cette façon, les patients ne devront pas attendre que toute la procédure de remboursement soit terminée.
Dans les deux procédures d'accès rapide proposées ci-dessus, alors que les patients ont déjà accès au traitement, les médicaments parcourent en parallèle les évaluations habituelles par l'EMA et/ou la CRM. Le cas échéant, la société remboursera une partie des paiements en fonction de la valeur attribuée au médicament par la CRM à l'issue du processus d'évaluation.
Résoudre les incertitudes cliniques par des conventions basées sur les résultats
L'effet clinique généré par les ATMP ne peut généralement pas être entièrement connu dans un essai clinique, car cet effet s'étend sur plusieurs années, voire sur toute une vie. Cette situation est accentuée par le manque d'expérience à long terme avec ces traitements innovants. Par conséquent, il peut être difficile pour les ATMP de fournir, dès le lancement, les preuves solides traditionnellement exigées par les autorités.
Afin de ne pas priver les patients belges de l'accès à ces nouveaux traitements prometteurs et de donner à l'entreprise pharmaceutique la possibilité de démontrer davantage la valeur du médicament dans la pratique quotidienne, les ATMP peuvent être remboursées temporairement sous certaines conditions. Les conditions précises que l'entreprise pharmaceutique doit remplir pour que ce remboursement temporaire soit possible sont fixées dans une convention.
Ces conditions sont généralement doubles : d'une part, il est demandé à l'entreprise, pendant le remboursement temporaire, de rassembler des preuves supplémentaires de l'efficacité et la sécurité (également appelée "résultat") de l'ATMP dans la pratique belge. D'autre part, pendant le remboursement temporaire, l'entreprise prend également en charge les incertitudes et/ou les risques liés au remboursement. En pratique, cela signifie qu'un mécanisme de compensation budgétaire est inclus dans la convention.
De telles conventions basées sur les résultats créent la possibilité de mettre les ATMP à la disposition des patients malgré les incertitudes. Étant donné que le résultat de la santé du patient est central, le gouvernement a la possibilité supplémentaire de ne rembourser les médicaments que pour les patients pour lesquels ils ont prouvé leur efficacité et sécurité.
Néanmoins, ces conventions sont encore trop peu utilisées dans la pratique car leur mise en œuvre est jugée trop complexe en raison d'un manque d'infrastructure pour collecter les données et/ou parce que le dialogue entre les autorités et les entreprises sur ce type d'accord n'a souvent lieu qu'à un stade tardif de la procédure de remboursement.
C'est pourquoi pharma.be préconise un dialogue précoce au sein d'une nouvelle plateforme multidisciplinaire qui donne des avis, dans le cadre des conventions basées sur les résultats, sur l'applicabilité et la faisabilité de la collecte de données, sur la définition des paramètres spécifiques à suivre et sur l’implémentation concrète de la collecte de données.
Paiements échelonnés pour éviter les pics de dépenses
Par rapport aux médicaments traditionnels, les ATMP sont administrés une fois ou pendant une courte période et procurent des bénéfices pendant de nombreuses années. Cela mène à un paiement des ATMP en un seul montant, par rapport aux traitements chroniques. De plus, en raison du potentiel des ATMP à modifier ou même à guérir une maladie, les patients existants - ceux qui se trouvent dans la "salle d'attente" virtuelle - s'attendent à être traités le plus rapidement possible après que le médicament soit disponible. Les années suivantes, seuls les patients nouvellement diagnostiqués sont alors traités. Ce pic initial du nombre de patients de la "salle d'attente", ainsi que l'administration ponctuelle, entraînent un coût d'investissement élevé. Cette dépense, combinée au nombre croissant d'ATMP attendues dans un avenir proche, soulève des problèmes d'accessibilité financière.
Une solution élégante à ce problème est l'échelonnement des paiements. Ce mode de financement permet au gouvernement d'étaler le paiement à la société pharmaceutique sur une période fixe prédéterminée pour chaque patient traité, plutôt que d'effectuer un paiement unique élevé en raison de la "salle d'attente". Cela permet de répartir sur plusieurs années les coûts d'investissement initiaux élevés associés aux thérapies ponctuelles.
Grâce à l'échelonnement des paiements, tous les patients présents dans la salle d'attente peuvent être traités, sans augmenter les dépenses publiques. On choisit donc d'étaler les dépenses dans le temps plutôt que de répartir les patients dans le temps. Cela entraîne un certain nombre d'avantages pour les patients, tels qu'une augmentation plus rapide de la qualité de vie, l'arrêt ou le ralentissement de la maladie, la possibilité d'arrêter les médicaments chroniques. Le gouvernement partage également les bénéfices : une réduction globale des coûts car les patients cessent plus tôt de prendre leurs médicaments chroniques et une réduction des autres soins de soutien (frais d’hospitalisation). Ainsi, l'échelonnement des paiements n'entraîne pas une augmentation des dépenses, mais une amélioration de l'accessibilité financière et un accès plus rapide.
L'introduction des nouveaux médicaments contre l'hépatite C en Belgique illustre bien comment les paiements, plutôt que les patients, auraient pu être échelonnés. A l'époque, le choix a été fait de permettre à certains patients d'accéder à ces traitements curatifs à une date ultérieure. Si nous avions opté en 2015 pour des paiements échelonnés sur plusieurs années pour les nouveaux médicaments contre l'hépatite C, tous les patients auraient bénéficié de la thérapie innovante et de l'amélioration de la qualité de vie dès leur introduction, avec le même effet budgétaire.
Toutefois, les paiements échelonnés doivent être l'exception et non la règle : ils ne doivent être utilisés que lorsqu'ils sont utiles ou appropriés. Par exemple, ils peuvent être envisagés lorsque les dépenses budgétaires atteignent un pic au moment du premier remboursement parce qu'un groupe de patients est en attente d'un traitement et ce, pour des maladies à forte prévalence et à faible incidence (c'est-à-dire un nombre relativement important de patients existants, mais relativement peu de nouveaux patients sur une base annuelle, comme le VIH en Belgique). De plus, l'échelonnement des paiements doit être une solution temporaire, à utiliser jusqu'à ce que la salle d'attente (virtuelle) soit vide et que tous les patients aient eu l'occasion de bénéficier de cette thérapie.
Advanced Therapeutic Medicinal Products (ATMPs) in Belgium: a roadmap for the future Recommendations of pharma.be following multistakeholder consultation
(1) Source : ARM, Alliance for Regenerative Medicine, https://alliancerm.org/
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