Révision de la législation européenne sur les médicaments et accès aux médicaments au sein de l'UE : apporte-t-on les bonnes solutions ?
Le remboursement des nouveaux médicaments ne fait pas seulement l'objet de discussions au niveau national, belge, mais également au niveau européen. Bien que la décision du remboursement relève de la compétence des États membres, les préoccupations relatives au remboursement des médicaments jouent clairement un rôle dans la révision de la législation européenne sur les médicaments annoncée par la Commission européenne en novembre 2020 sous le nom de « Pharmaceutical Strategy for Europe ».
Un accès effectif des patients aux médicaments très inégal en Europe
La préoccupation principale concerne les nouveaux médicaments, qui, même s'ils ont reçu une autorisation de mise sur le marché valable dans toute l'Union européenne, ne sont pas aussi effectivement remboursés dans tous les États membres. L'accès effectif (access) des patients à ces médicaments en Europe reste très inégal et dépend de l'État membre dans lequel réside le patient. Il est également soutenu que les nouveaux médicaments ne répondent pas de manière adéquate aux besoins médicaux non satisfaits. Leurs prix sont trop élevés et il faudrait donc accélérer la concurrence des génériques et des biosimilaires moins chers.
Regulatory Data Protection
Bien que les propositions de la Commission européenne dans le cadre de la « Pharmaceutical Strategy for Europe » ne soient pas encore officiellement connues, certains documents ayant fuités dans la presse spécialisée indiquent qu'il est prévu de faire dépendre le Regulatory Data Protection (RDP) [1] de la disponibilité effective d'un médicament dans tous les pays de l'Union européenne. Cela dépendrait aussi en partie de la mesure dans laquelle le médicament répond à un besoin médical non satisfait (dont la définition est encore sujette à débat) [2].
Le RDP fait partie des régimes de propriété intellectuelle (PI) au sens large du terme (voir l'annexe 2 de notre brochure sur la propriété intellectuelle) pour encourager l'innovation.
pharma.be estime que lier la propriété intellectuelle à la PDR en particulier en fonction de la disponibilité effective - qui équivaut de facto au remboursement d'un médicament - est une grave erreur. Et ce pour deux raisons principales :
D'une part, une entreprise n’a pas d’emprise sur l'obtention effective du remboursement. C’est bien entendu l’entreprise qui décide d’introduire ou non une demande d’indemnité et de remboursement dans chaque État membre.
Afin de répondre aux préoccupations relatives à l'inégalité d'accès en Europe, l'industrie pharmaceutique innovante, par l'intermédiaire de son association européenne, l'EFPIA, s’est engagée à soumettre une demande de prix et de remboursement dans les 27 États membres de l'UE dans les deux ans qui suivent l'autorisation de mise sur le marché. Mais une demande n'est pas une décision et certainement pas une décision positive. Elle dépend des procédures locales de tarification et de remboursement où, non seulement les entreprises, mais également les autorités jouent un rôle décisif.
D'autre part, cette proposition examine la PI et le RDP au moment où le nouveau médicament est déjà là, tandis que leur capacité à stimuler l'innovation intervient alors que le nouveau médicament n'existe pas encore. Cela offre à l'entreprise la garantie que si ses efforts d'investissement dans un processus hautement incertain de développement d'un nouveau médicament portent leurs fruits, elle pourra en récolter les bénéfices durant un certain temps. La proposition de réduire la période de RDP risque donc d’handicaper les innovations futures.
Besoin médical non satisfait
Lier le RDP à la réponse à un besoin médical non satisfait pose le même problème. Quelle que soit la définition (large ou étroite) d’un besoin médical non satisfait, aucune entreprise n'investira dans le développement d'un nouveau médicament qui ne répond pas à un besoin médical. Les connaissances scientifiques doivent tout d’abord être présentes. Là encore, le gouvernement, les institutions universitaires et les entreprises pharmaceutiques innovantes ont un rôle à jouer. Les besoins médicaux non satisfaits varient de plus en plus avec le temps : ce qui était encore un besoin non satisfait au moment où l'on commence à développer un médicament peut avoir été satisfait au moment où le médicament obtient son autorisation de mise sur le marché.
Résoudre les problèmes d'accessibilité de la bonne manière - trois suggestions
pharma.be estime que les questions d'accessibilité sont traitées plus efficacement par :
- L'engagement des entreprises pharmaceutiques innovantes (voir ci-dessus) à demander le prix et le remboursement dans les 27 États membres de l'UE dans les deux ans suivant l'autorisation de mise sur le marché.
- L’étude des causes sous-jacentes du manque d'accès aux médicaments innovants pour les patients européens (portail européen d'accès) et, sur cette base, l’initiation d’un dialogue avec les parties intéressées pour trouver des solutions efficaces
- La création, en collaboration avec les parties prenantes, d’un cadre pour l’Equity-based tiered pricing (EBTP), afin de faire varier le prix des médicaments innovants entre les États membres en fonction de leur niveau de richesse et de leur capacité de financement. Pour ce faire, il faudra que la Commission européenne et les États membres adaptent les systèmes External Reference Pricing, et anticipe les effets indésirables du commerce intérieur lorsque l'EBTP sera introduit.
[1] Lorsqu'une entreprise demande aux autorités d'enregistrer une autorisation de mise sur le marché pour son nouveau médicament, elle doit soumettre des données qui prouve l'efficacité et la sécurité du médicament en question. Ces données proviennent des études cliniques que la société a menées au cours du processus de développement. Lorsqu'un générique ou un biosimilaire (pour lequel le processus est un peu plus compliqué que pour un générique) demande une autorisation de mise sur le marché, il n’est pas nécessaire de refaire des études cliniques : la société productrice de génériques et de biosimilaires peut se référer aux données relative à l'efficacité et la sécurité du médicament original. On peut se référer aux données de l'original au plus tôt huit ans après qu’il ait reçu son autorisation de mise sur le marché ; et on ne peut accéder au marché que 10 ans (soit les 8 premières années + 2 ans) à compter de la même date. Cette "protection" des données pendant huit et dix ans est appelée protection réglementaire des données.
[2] Il est proposé de réduire les huit années de la RDP à six, puis d'ajouter deux années supplémentaires "si le produit est mis sur tous les marchés de l'UE dans les deux années suivant l'autorisation et s'il est fourni de manière appropriée et continue...". L'objectif est en effet " d'accélérer le lancement sur le marché et ainsi l'accès ". D'autre part, si une entreprise ne se conforme pas à la mise sur le marché, la concurrence des génériques se fera plus tôt et les systèmes de santé seront plus abordables." Et une année supplémentaire serait ajoutée si le médicament répond à un besoin médical non satisfait.
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