Les brevets ne sont pas l'obstacle au déploiement massif des vaccins, bien au contraire

Position

Malheureusement, la pandémie de COVID n'a pas encore été vaincue, malgré les efforts considérables de la population et la campagne de vaccination décisive menée dans notre pays. Ce nouveau virus ne peut apparemment pas être contenu par une campagne de vaccination unique. Des rappels de vaccins sont nécessaires, des populations plus larges (les enfants) doivent également être protégées et dans certaines parties du monde, la campagne de vaccination n'en est qu'à ses débuts, ce qui rend difficile l'arrêt de la pandémie. Les experts s'accordent à dire que sans le développement rapide de vaccins contre le COVID, la souffrance humaine aurait été bien pire. Les personnes qui ont été vaccinées et qui sont quand même infectées (aucun vaccin n'offre une garantie à 100 %) sont moins contagieuses pour les autres et développent souvent des symptômes plus légers. Mais pour être vraiment efficace, la campagne doit être déployée à l'échelle mondiale. Ce qui pourrait également ralentir le développement de nouveaux variants du virus, tels qu’Omicron.

Le développement, la production, la mise à l'échelle et la distribution des vaccins COVID se sont déroulés à un rythme effréné, sans précédent. Au niveau mondial, 28 vaccins ont déjà été reconnus par au moins une autorité et 8 vaccins ont été inclus dans la liste dite "emergency use" de l'Organisation mondiale de la santé. De nombreuses sociétés pharmaceutiques et institutions de recherche travaillent encore à la mise au point de nouveaux vaccins ou à la simplification de leur administration. Il y a actuellement 136 études cliniques et 194 études précliniques en cours dans le monde. Mais dans le même temps, de nombreux projets de recherche ont été abandonnés parce que les essais cliniques n'ont pas donné de résultats suffisamment bons. Après tout, le succès n'est jamais garanti, certainement pas pour l'innovation. Les entreprises qui ont déjà réussi à commercialiser des vaccins le font à bas prix. En Belgique, le coût des vaccins ne représente que 28,5% du coût moyen d'une vaccination contre le COVID. Les défis liés à l'augmentation de la production ne doivent pas non plus être sous-estimés. En moins d'un an, la capacité de production a été augmentée aussi rapidement que possible, grâce notamment à plus de 300 partenariats avec d'autres producteurs dans le monde. Lors de ces accords de collaboration volontaire, les connaissances pour produire les vaccins sont partagées et une assistance technique est également prévue. L'industrie est en passe de produire 12 milliards de doses d'ici la fin de l'année. En comparaison, la capacité de production mondiale de vaccins n'était "que" d'environ 5 milliards de doses par an avant la flambée épidémique de COVID-19. En 2022, la production devrait même passer à 23 milliards de doses.

L'accusation selon laquelle l'industrie pharmaceutique entrave l'accès du reste du monde aux vaccins en raison de brevets qu'elle ne veut pas lever est tirée par les cheveux. Au contraire, la crise du COVID est pour l'industrie pharmaceutique ce que la crise financière a été pour la Banque centrale européenne, c'est-à-dire que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour vaincre cette crise. Les entreprises pharmaceutiques ont pris leurs responsabilités en déployant leur expertise et leurs capacités de développement dans la recherche de solutions. L'appel lancé par certaines ONG, certains faiseurs d'opinion et même de politiciens en faveur du déblocage des brevets sur les vaccins témoigne d'une méconnaissance de la réalité du terrain, ou de motivations idéologiques. Le déploiement des vaccins est effectivement inégal d'un pays à l'autre, mais cela n'a rien à voir avec les brevets et ce n'est pas en retouchant la règlementation des les brevets que l'on résoudra ce problème, bien au contraire. Il s'agit avant tout de la politique d'achat des pays les plus riches. Le fait est que les pays à revenus élevés et moyens ont acheté les vaccins disponibles en première ligne. Il n'y a rien de mal à cela en soi ; les décideurs politiques sont principalement responsables de la protection de la santé publique de leur propre population. Mais dans certains pays, les achats sont suffisants pour vacciner leur population jusqu'à trois fois, voire jusqu'à six fois dans certains pays. Mais à côté de cela, il y a aussi la dure réalité qui veut que pour déployer une stratégie de vaccination réussie, les systèmes de santé doivent être suffisamment robustes. La coopération avec les gouvernements et les ONG doit être efficace et une infrastructure bien développée sur place est essentielle. C'est une véritable tâche logistique, en particulier pour les vaccins qui doivent être conservés au frais. Et il faut mettre en place assez de centres de vaccination, avec suffisamment de prestataires de soins pour administrer les vaccins. En outre, le degré d'acceptation par la population d'une campagne de vaccination semble être un problème majeur dans de nombreux pays. Par exemple, le mois dernier, les livraisons de vaccins prévues en Afrique du Sud ont même dû être réduites en raison de la réticence de la population à se faire vacciner.

Le secteur pharmaceutique a fait et continuera à faire un effort important. Il est également prêt à procéder aux ajustements qui pourraient être nécessaires pour les nouveaux variants du virus ou pour faciliter l'administration ou le stockage des vaccins. Mais on peut attendre des gouvernements qu’ils aident les pays dont les systèmes de santé sont faibles à déployer des stratégies de vaccination et des campagnes d'information adéquates auprès de la population. Le fait que certains brandissent aujourd'hui la suppression des brevets sur les vaccins afin de vacciner plus rapidement la population mondiale revient à semer le trouble quant à la question d’où se trouvent les vrais problèmes. Au contraire, cela ne fera que supprimer les incitations nécessaires pour continuer à investir dans des recherches risquées et, par conséquent, freiner les développements futurs de solutions.  

Caroline Ven
Caroline Ven
CEO de pharma.be
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